Notre société a grandement progressé en termes de technologie, nous facilitant ainsi énormément la gestion de nos vies quotidiennes. Nous passons un nombre d’heures phénoménal sur nos écrans et avons ainsi accès à des possibilités quasi infinies, de la communication à la lecture, de faire nos courses à distance à effectuer des visites immobilières ou à retrouver de la famille à l’autre bout du monde. Et tout ça, sans bouger de notre canapé.
Qu’avons nous oublié dans ce vaste virtuel dans lequel nous baignons quotidiennement ?
Autant nous aimons nos écrans tactiles, autant nous oublions notre système sensitif. Nous sommes nés avec des sens, nous sommes nés pour toucher, goûter, palper, sentir par le nez et par la peau ce que la vie nous propose. Ces actes sont à l’origine de nos capacités d’êtres vivants et pourtant nous nous en éloignons de plus en plus, utilisant finalement beaucoup notre tête et bien moins notre corps.
Car c’est ici bien le sujet, nos sens sont intrinsèquement liés à la relation avec notre système corporel. Lire un livre sur une tablette est une expérience bien différente que de lire un livre en papier ! Sentir sous la pulpe de ses doigts le grammage du papier ainsi que son odeur fait toute la différence. Combien de magazines sniffons-nous encore ? C’est notre sensorialité qui donne relief et saveur à nos existences !
L’actuel constat est que nous sommes de plus en plus coupés de nos corps et bien trop branchés à nos têtes. Pourtant, notre cerveau a besoin de contact physique.
Trouver le chemin pour se détacher du virtuel
Marcher sur le sable chaud, glisser ses pieds dans la mer froide, passer sa main sur une pierre rugueuse, mordiller un élastique, laisser fondre du chocolat sur sa langue, croquer dans un quartier de mandarine, renifler le parfum d’une personne aimée, sentir les rayons chauds du soleil dans ses cheveux, aller à un concert… Tous ces actes ont des bienfaits sur notre activité cérébrale ! D’ailleurs, mettre les mains dans la terre aurait un effet positif sur notre santé : on y trouve des bactéries non pathogènes qui améliorent notre humeur, notre sommeil, jouent un rôle sur la mémoire et boostent notre libido. Rien que ça ! Alors même si Descartes a proclamé « Je pense donc je suis », la vérité s’approche davantage de l’adage « Je ressens donc je suis… vivant ». Qu’attendons-nous pour replonger dans la vie, enfiler nos bottes en caoutchouc et sauter dans les flaques d’eau d’automne le dimanche ?
L’hyperconnexion nous coupe de notre sensorialité
En matière de communication, nos ordinateurs et nos téléphones se sont tellement améliorés qu’ils nous permettent d’être joignables de mille manières, partout, tout le temps ! Et pourtant il n’a jamais existé autant de difficultés et de conflits autour de nos capacités à nous exprimer, aussi bien personnelles que professionnelles. Ce progrès serait-il le reflet de nos dissonances intérieures ? A trop vouloir, nous n’en voulons plus. Les mails du boulot tard le soir ou le week-end, les notifications qui ne cessent de faire sonner nos téléphones, les montres connectées qui vibrent sans se lasser, les amis injoignables mais en ligne sur Facebook, les messages lus sans réponse sur Whatsapp, sans parler des couples dont le téléphone est devenu l’enjeu de contrôle, de méfiance et de disputes. Car désormais, nous exigeons, perdons patience, cherchons à être satisfaits instantanément sous peine de tragédie, de frustrations et de querelles face à tant de malentendus, tant les fils de nos liens sont nombreux et s’emmêlent.
Le pouvoir de la nostalgie : c’était comment avant ?
Comment renouer avec nos désirs insatisfaits ? En nous souvenant, avec nostalgie, de nos bons gros téléphones à fil unique branchés au mur, à la sonnerie grossière qui provoquait tant de promesses d’imprévus. En nous remémorant l’attente magique d’un éventuel retour de nos lettres d’amour écrites précieusement à la main et des longues journées à espérer, à guetter pour tenir enfin le courrier magnifiquement manuscrit et tant attendu entre nos mains tremblantes. N’étions-nous pas autant touchés que paisibles de ces liens plus simples et plus tangibles, bien que le temps jouait de nos impatiences ?
Les mouvements actuels de bien-être personnel, évoquant notre santé aussi bien physique que mentale, nous enseignent d’ailleurs à nous discipliner, à oublier nos téléphones, à retourner voir la vie : celle qui vit, saute, éclabousse, sent la sueur et le bonheur, enveloppée des mains, des regards et des bras des gens qu’on aime !